Nous traversons pour combien de temps encore une période qui nous émonde à plus d’un titre. François Blin a eu la bonne idée de créer un groupe Wahtsap “CCMF”. Vous pouvez nous nous envoyer un message si vous souhaitez en faire partie. Je vous signale la nouvelle adresse mail du CCMF: ccmf.asso@gmail.com. Vous pouvez nous joindre directement par notre site ccmf.fr

Au risque de choquer, l’éthique n’est pas un prêt à agir, comme la foi n’est pas un prêt à croire. L’éthique est d’abord un questionnement, comme la foi est nourrie par le doute, par la « traversée du désert ». Autrement dit : la foi est-elle éthique ? L’éthique est-elle chrétienne ?

Doivent-elles être du monde sans en être, pour reprendre une expression bien paulinienne ? Parlons-nous d’une éthique chrétienne, ou du regard chrétien sur le questionnement éthique ? Ethique et foi sont « condamnées » à rester des amers quelle que soit la virulence de la tempête. L’éthique est chrétienne si elle reste à sa place. La foi est éthique si elle reste à sa place. Elles sont toutes deux dans le concret sans en être. Elles n’agissent pas, elles éclairent nous plaçant devant notre liberté et nos responsabilités. Cette réflexion rejoint la question de la place des chrétiens dans notre société exprimée par Jacques Maritain : l’action en tant que chrétien versus l’action en chrétien ou encore médecin chrétien versus médecin et chrétien.

Ethique et foi sont menacées du même danger épidémique de devenir prescriptives ou même fondamentalistes et ainsi changer de nature. N’a-t-on pas voulu accuser les pouvoirs publics de laisser les Etats généraux de bioéthique prendre les décisions à leur place ? Les politiques voudraient-ils instrumentaliser la réflexion éthique afin de justifier leurs attendus. De la même manière les théocraties de tous les temps se sont justifiées grâce à une théologie fondamentaliste déviante. L’éthique comme la foi doivent avoir toujours à l’esprit le « et ». Il n’y a pas d’éthique chrétienne mais celle-ci est fondamentalement chrétienne. En effet, la foi est interrogative, toujours insatisfaite, dans le doute devant un mystère qui ne cesse de se laisser découvrir. Elle est source de réflexion éthique incompatible avec toute position fondamentaliste justifiée par le « ou » exclusif.*

Pourquoi par ces temps épidémiques galopants, se poser la question d’une éthique de responsabilité ? Comme chrétiens nous sommes touchés par l’impossibilité de vivre la dimension communautaire de notre foi. Les lieux de culte sont fermés sine die. Comme citoyens, nous sommes rappelés à notre fragilité. Nous sommes tous interrogés par les difficultés en cascades de la gestion de cette crise. Pourquoi sauver tel patient que tel autre ? Comme repartir nos moyens ? Quelle population devrons-nous prioriser ? Les jeunes versus les vieux, les malades chroniques versus les malades sans antécédents, les actifs versus les inactifs, les locaux versus les migrants? Et le SDF ? Il est sorti des radars médiatiques. Il est même interdit de séjour dans certains lieux normalement hospitaliers. Doit-il être parqué ou accueilli?  Pourquoi notre réflexion éthique devrait-elle être travestie par l’entropie ambiante de  cette épidémie? Ethique et foi ne doivent-elles pas s’en détacher pour éclairer nos responsabilités. Nous avons besoin de ce double regard pour une meilleure intelligence du monde. Il est affligeant de voir fleurir dans le magma des réseaux sociaux des recettes culinaires chrétiennes contre le virus?

Dr. Bertrand GALICHON

* L’incarnation ou la théologie du « et » p.101 dans « L’esprit du soin », Bertrand Galichon, Bayard 2019