Editorial
SUR LA REVISION DE LA LOI DE BIOETHIQUE

Tout d’abord, la multiplication des dispositions législatives, croissant dans tous les domaines, et souvent dans des sens contradictoires, n’est pas souhaitable pour l’équilibre d’une société. Sous prétexte de simplification, c’est la complexification qui domine. Mais, il est indispensable de souligner les principaux enjeux concernant la structure de l’enfant et des personnes.

Au milieu de la compréhension de la souffrance des couples concernés, c’est sur l’importance de l’expérience de la sexualité humaine qu’il faut insister. Mais l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux célibataires- qui n’est pas une ouverture ! – vient évidemment entraîner des perturbations importantes, et portera une grave atteinte au développement de l’enfant. L’introduction des techniques dans ces situations de procréation va concerner trois domaines essentiels :

Le désir d’enfant – L’identification de l’enfant – Le « droit à l’enfant »

Nous voyons que c’est l’enfant qui est le principal concerné, le plus vulnérable.

Mais, entendons-nous bien sur deux questions préalables souvent invoquées dans les revendications actuelles : la souffrance des adultes concernés, l’amour pour l’enfant. Bien sûr il y a des personnes qui souffrent de ne pouvoir avoir d’enfant, et cette souffrance peut être prise en compte ! Bien sûr que toute personne, quel que soit son statut, est capable d’apporter de l’amour à un enfant ! Les vrais problèmes sont au-delà des motivations : le vrai problème concerne la relation de l’être lui-même, et les relations avec l’enfant, et concerne les processus même de structuration de l’enfant.

Il existe d’ailleurs des milliers et des milliers de travaux précis qui ont étudié la nature et les fonctions des relations parentales avec le tout petit, et l’enfant. Mais ils sont gênants pour une idéologie, on proclame qu’ils n’existent pas !

Le désir d’enfant, est très complexe. Et c’est certainement là le domaine le plus difficile à faire admettre aux mentalités actuelles. Il est déjà complexe chez les personnes vivant en couple hétérosexuel, et plus encore chez les autres personnes, vivant seules, ou de tout autre façon. Le désir d’enfant est vulnérable, ambivalent et fragile, fait d’amour et de désamour, de crainte et de certitude, de culpabilité et de fascination, d’infériorité et de surestime de soi. Il a besoin d’être soutenu profondément, d’être accompagné dans une relation d’altérité et d’altérité hétérosexuelle. La place de l’homme est capitale, du point de vue inconscient, même si cet homme a pu disparaître à une période, ou s’est éclipsé complètement comme cela est fréquent ! Le désir d’enfant a besoin d’être soutenu par une fonction de bisexualité. En résumé, le désir d’enfant a besoin d’hétérosexualité pour le bon équilibre du tout petit à venir.

L’identification de l’enfant. C’est un point discuté dans les discussions idéologiques qui ne pensent qu’à l’individualisme de l’adulte.

L’identification, c’est le processus fragile et complexe à l’?uvre aux différentes phases de l’évolution de l’individu, au travers duquel se réalise la structuration du Moi et de la personnalité. C’est elle qui contribue à la structuration de la personne dans son identité personnelle et sexuée. Il y a différentes étapes nécessaires ; mais retenons les éléments dynamiques les plus importants et les plus connus.

– Les images et les symboles de nature et d’origine maternelle et paternelle, ayant un rôle structurant par leur répétition et leur constance.

– Les tendances à l’unification par l’incorporation des apports parentaux

– La dynamique des fantasmes cherchant à réaliser les aspirations inconscientes et les désirs de l’enfant-sujet.

– Le mouvement constant d’assimilation du vécu et des sentiments d’autrui, incluant l’assimilation de sa propre expérience.

Il y a toujours dans l’identification une dimension corporelle et somatique. Il y a une interpénétration entre les vécus psychiques et corporels. Celle-ci est faite d’un ancrage corporel permanent des sensations, des perceptions spécifiques des deux êtres sexués, du féminin et du masculin. Le petit enfant a besoin de cet ancrage corporel où le féminin et le masculin sont présents, pour une bonne organisation de son identité.

Bien entendu, tout cela n’est pas vécu de façon excellente et complète, les déficits d’apports parentaux sont fréquents. Mais, une chose est pour l’enfant de vivre des situations fragilisantes, carentielles, incomplètes, branlantes et chaotiques, et une autre chose est de mettre délibérément l’enfant dans des situations carentielles, où il ne pourra pas recevoir tous les apports affectifs et corporels dont il a besoin. Car le bébé a besoin des influences primordiales sexuées et bisexuées, il a besoin d’apports identificatoires fondamentaux bisexués, masculin et féminin, même au milieu des aléas fréquents de ces influences, qui sont bien connus et que les aides de toute sorte s’efforcent de compenser dans des efforts constants de tous les moyens psychologiques et thérapeutiques considérables actuellement. Et l’on verrait des dispositions sociétales et législatives venir contrecarrer et priver certains enfants de tous ces apports essentiels à leur identification ! Cela s’appelle créer des conditions de discrimination pour certains enfants. Le petit enfant a besoin d’un père et d’une mère pour être le plus heureux possible. Il n’a pas besoin de voir institutionnaliser par des lois les conditions d’une faille dans ses origines. Car il faudrait aussi situer là toute la question des origines qui concerneraient les enfants nés dans ces conditions carencées : l’enfant se trouverait ainsi légalement confronté aux problèmes et aux inconnues de sa filiation.

Le droit à l’enfant : Ce domaine majeur est souvent souligné et controversé. En affirmant le droit à l’enfant, les mentalités qui soutiennent la loi viennent porter atteinte au statut de l’enfant. L’individualisme des personnes adultes place en effet l’enfant dans une attitude de dépendance. Car la dimension sociétale du droit à l’enfant vient développer chez le parent des attitudes de domination, capables de parasiter la relation à l’enfant. Le « droit à l’enfant » aboutit à l’enfant -objet, qui peut subir des carences affectives, ou à des attitudes des surprotections. Il ne permet pas de développer des relations sociales saines avec l’enfant, dans une attitude de liberté nécessaire à l’exercice de l’autorité. C’est au contraire le « droit de l’enfant » qui est primordial à prendre en compte.

En conclusion, les grands enjeux de la révision des lois de Bioéthique sur la PMA concernent la fonction du père qui est pratiquement éliminée dans le devenir de l’enfant, avec toutes les conséquences dramatiques que beaucoup de travaux ont bien mis en évidence.

M.de BOUCAUD

De l’Académie Européenne des Sciences et des Lettres

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