Qu’est-ce que la nouvelle évangélisation sinon dans un premier temps, celle de celui qui se la propose ? Autrement dit, Dieu est-il aussi présent en moi que je voudrais qu’il fût en l’autre ?
De fait, toute nouvelle évangélisation implique le renouvellement intérieur de celui qui se dispose à la pratiquer. En même temps, le mot « nouveau » en matière d’évangélisation implique nécessairement la prise en compte des nouveaux paramètres de l’évolution du monde, et plus particulièrement dans les rapports entre l’être et le monde, où la conscience du groupe et la conscience de soi se mêlent inextricablement. Ce phénomène s’intensifie au regard des nouveaux moyens de communication mis à la disposition du plus grand nombre. Si bien que la pensée de l’historien Pierre Chaunu émise il y a une trentaine d’années, selon laquelle « il n’est pas plus difficile de croire au ciel au XVIII ème siècle qu’au XVII ème ou au XX ème. Il est plus facile de penser à autre chose », se vérifie d’autant plus aujourd’hui, que l’homme, tel un oiseau sur sa branche, se trouve sollicité à tout instant par toutes sortes d’informations. Cette situation est d’autant plus prégnante qu’il en vient à considérer l’accès à l’information comme un droit et la connaissance de celle-ci comme une nécessité vitale en dehors de laquelle tout individu se sentirait désormais exclu d’un monde qui ne saurait être autre qu’un incessant mouvement d’ondes vibratoires. L’homme au XXI ème siècle se trouve à la fois en possession du plus immense pouvoir de connaissance qu’il n’ait jamais eu, et dépassé par le foisonnement des messages auxquels il a accès. Happé par le temps qui s’accélère, il s’inscrit progressivement dans un processus de course à l’information laquelle, de ce fait, est réduite au minimum linguistique basique, dépouillé de tout élément discursif, récurrent ou dialectique. La connaissance de la réalité se voit désormais réduite à l’impact pulsionnel d’un spot publicitaire destiné à capter une attention humaine dont la capacité d’analyse s’amenuise et le jugement dépouillé progressivement de tout esprit critique. Le message devient roi dans un monde d’individus désormais assujettis aux injonctions de ses signaux lumineux ou sonores. Le message divin a-t-il sa place dans cette surabondance médiatique ? Sans doute puisque l’Eglise n’est pas en reste quant à la multiplication de ses sites. Récemment même le Pape Benoît XVI en s’inscrivant sur Face Book ne pourra-t-il pas « diffuser à l’infini le message évangélique »comme le pense le père A. Spadaro s.j. ? Si la présence de l’Eglise sur le net est inéluctable, elle ne saurait suffire à conforter l’intériorisation d’un message qui se veut l’expression d’une rencontre entre un Dieu personnel et sa créature, c’est- à-dire une redécouverte d’un Père aimant et à l’écoute de la détresse humaine désormais livrée sans repère aux affres du tout médiatique et de la solitude induite. Aussi la nouvelle évangélisation devrait d’abord tendre à se réapproprier le message libérateur du Dieu créateur de la Genèse, qui, tel un père aimant nous conduit progressivement à l’exercice responsable de notre liberté, en nous envoyant son Fils comme le don suprême de son Amour. Cet Amour incarné en Jésus devient alors le compagnon privilégié de tout homme en quête d’authenticité. « Mais il est plus facile de penser à autre chose » nous rappelle Pierre Chaunu. Toutefois cette « autre chose » ne donne pas totale satisfaction puisque l’homme du XXI ème siècle semble se complaire dans la quête incessante d’une autre chose que cette « autre chose »-un « je ne sais quoi » qui se glisse subrepticement dans cette immense attente qui meuble toute vie humaine et dont il revient aux chrétiens de faire découvrir le sens-.
La nouvelle évangélisation passe ainsi par une manifestation quotidienne et attentive de la foi qui les anime et les fait grandir jour après jour comme l’enfant toujours en quête et curieux de nouveauté, mais qui se sent aimé et compris dans la totalité de son être, qu’elles que soient ses faiblesses et ses manquements il sait qu’il n’est pas seul. Aller à la rencontre de l’autre, lui faire découvrir qu’il n’est pas seul, n’est pas nouveau, certes ; les psychologues, les conseillers en tout, les coach en font leur profession mais ils ne sauraient combler totalement cet incessant désir humain d’une « autre chose ». Il revient aux chrétiens de faire découvrir le sens ultime de cette fragilité existentielle comme source de l’incessant jaillissement d’un Amour qui nous dépasse et nous transcende!
Madame Béatrice Fonck, Professeur de civilisation hispanique à l’Institut Catholique de Paris

Directeur du Département d’espagnol et de portuguais à la faculté des lettres de l’I.C.P.