Nous imaginions que nos villes reprendraient au moins un semblant de vie à compter du 11 mai, jour de déconfinement si attendu… Il n’en est rien, ou si peu. Certes le pâtissier essaie de se refaire le beurre qu’il a vu fondre pendant ces deux mois. Le coiffeur fait œuvre de salubrité publique  en domestiquant à la chaîne nos tignasses ébouriffées, pour certaines bicolores!… Pour le reste pas grand-chose a bougé. Les bistros gardent leurs chaises empilées sous séquestre. Les restaurants ont levé discrètement un coin de rideau pour quelques plats à emporter, histoire de ne pas mourir étouffés. Allons-nous passer à côté de notre art de vivre ?…

La Poste continue à rester ouverte que 4 heures par jour malgré des queues silencieuses et intarissables qui ont le privilège aujourd’hui d’être toutes masquées et stérilisées par le fameux gel, la Javel des temps modernes, à l’entrée du Saint des Saints. Mais beaucoup dans Paris sont hermétiquement fermées ou n’assurent qu’une frange d’un service distancié, à peine audible derrière des plaques de plexiglas et des masques rendant superfétatoire toute demande de renseignement sortant du basique.

Les bus déambulent toujours aussi vides avec leur porte avant condamnée pour protéger le machiniste masqué et ganté, de toute projection intempestive. Comme pour les trains (deux sur trois) du métro, tous ne sont pas au rendez-vous. Et le service de ces bus peut n’être que partiel, sans terminus ! Idem pour le réseau du Métropolitain soixante stations parmi les plus importantes de la capitale sont fermées pour notre sécurité. Il est recommandé de préparer son trajet avant de s’engouffrer dans des couloirs aussi vides qu’en temps de confinement pur et dur. Soyez rassurés c’est toujours pour notre sécurité… Cette stratégie « ceinture et bretelles » du « masque distancié » a condamné les deux tiers des sièges des rames… Mais soyez rassurés la distanciation sociale est « citoyennement » respectée sans tenir compte de ces injonctions infantilisantes.

Combien sont-ils tous ces « invisibles des petits métiers» de l’hôpital, plus ou moins applaudis, à encore dormir dans des hôtels à proximité, faute de train pour pouvoir rentrer chez eux et revenir travailler à une heure respectable? La SNCF prend là aussi soin de leur sécurité…

Ce Covid n’a pas plus d’imagination que les grèves… Grand mal nous fasse ! BFM, principe de précaution, droit au retrait, protection syndicale des droits acquis ne se font-ils pas la courte échelle pour nous éviter les affres de l’irresponsabilité d’un brusque déconfinement populaire et prolétaire? N’y a-t-il pas un risque pour notre démocratie quand fonction publique ne se conjugue plus avec service public ? Le service public ne devrait-il pas être aux devants de la remise en route ?… Quelle est la portée de la Loi quand elle se réécrit dans un ailleurs mouvant?…

L’engagement et les applaudissements des médecins et des soignants auront fait long feu. Ne vont-ils pas être encore les dindons de la farce, renvoyés dans leurs blouses quand l’hôpital tardera à se remettre debout enrichi de l’expérience acquise? Allons-nous devoir à nouveau battre le pavé plus sévèrement cette fois-ci, mais à la condition de ne pas se laisser museler par l’aumône gouvernementale.

Nos responsabilités citoyennes respectives pourront-elles faire advenir un esprit de service public fort ?

Dr Bertrand Galichon

Président du CCMF