Commentaire  du Projet de Rapport sur la santé et les droits sexuels et génésiques (2013/2040(INI)) de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement  Européen

Droits sexuels et génésiques et l’avortement

Le Rapport parle toujours du droit à l’avortement comme faisant part des droits sexuels et génésiques, mais les définitions de santé génésique et de santé sexuelle de l’OMS ne parlent pas d’avortement:

« L’OMS indique que la santé génésique “s’intéresse aux mécanismes de la procréation et au fonctionnement de l’appareil reproducteur à tous les stades de la vie. Elle implique la possibilité d’avoir une sexualité responsable, satisfaisante et sûre ainsi que la liberté pour les personnes de choisir d’avoir des enfants si elles le souhaitent et quand elles désirent. Cette conception de la santé génésique suppose que les femmes et les hommes puissent choisir des méthodes de régulation de la fécondité sûres, efficaces, abordables et acceptables, que les couples puissent avoir accès à des services de santé appropriés permettant aux femmes d’être suivies pendant leur grossesse et offrant ainsi aux couples la chance d’avoir un enfant en bonne santé ». (p. 10-11)

et

« La santé sexuelle est définie comme étant “un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité, et non pas simplement l’absence de maladies, de dysfonctionnements ou d’infirmités. La santé sexuelle requiert une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sûres, sans contrainte, discrimination et violence. Pour atteindre et maintenir un bon état de santé sexuelle, les droits sexuels de tous les individus doivent être respectés et protégés ». (p. 11)

Le Committee on the Elimination of Discrimination against Women CEDAW de l’Office of the High Commissioner for Human Rights dans sa General Recommendation No. 24, Women and Health (Article 12) du 05.02.1999 n’exige pas la décriminalisation de l’avortement, mais seulement l’abrogation, « si possible », des lois qui pénalisent l’avortement:

« Prioritize the prevention of unwanted pregnancy through family planning and sex education and reduce maternal mortality rates through safe motherhood services and prenatal assistance. When possible, legislation criminalizing abortion should be amended, in order to withdraw punitive measures imposed on women who undergo abortion » (31 (c)).

Taux d’avortement de différents États membres

Les considérations suivants du Rapport sur le taux d’avortement de différents États membres ne sont ni claires ni différenciées :

« I.

considérant que les disparités existant entre les taux d’avortement de différents États membres et la prévalence de la mauvaise santé génésique dans certaines régions de l’UE révèlent le besoin d’une offre non discriminatoire de services abordables, accessibles, acceptables et de qualité, y compris la planification familiale et les services adaptés aux jeunes, ainsi que d’une éducation sexuelle intégrale; (p.6) »

Un taux élevé d’avortements signifie un accès facile à l’avortement ou la déficience de la planification familiale? Un bas taux d’avortement signifie que l’accès à l’avortement est trop compliqué et trop difficile ou que la planification familiale est efficace?

Par exemple doit-on suivre l’exemple de la Suède qui a un taux élevé d’avortements (2009 : 21) ou du Portugal avec un taux significativement plus bas (2009 : 9.0)?

Comment expliquer que le pourcentage d’avortements en Suède (21) est supérieur à celui de la Lituanie (12.6), tandis que le pourcentage d’utilisation des méthodes contraceptives modernes en Suède est presque le double de celui de la Lituanie, respectivement 65 et 33? (Données des Nations Unies: World Abortion Policies 2011)

Objection de conscience

Le rapport affirme :

« 11.

souligne que, même dans les cas où il est légal, l’avortement est souvent empêché ou retardé par des obstacles aux services appropriés, par exemple le recours répandu à l’objection de conscience, les périodes d’attente non nécessaires d’un point de vue médical, ou les conseils partiaux; souligne que les États membres devraient réglementer et surveiller le recours à l’objection de conscience, afin de veiller à ce que les soins de santé génésique soient garantis en tant que droit de l’individu, tout en assurant un accès à des services légaux et en mettant en place des services de renvoi appropriés et abordables » (p.7)

et

« Les femmes sont surtout confrontées au recours non réglementé à l’objection de conscience par les professionnels de la santé génésique, aux périodes d’attente obligatoires, et aux conseils partiaux ». (p. 14)

Le Rapport se réfère au rapport de Christine McCafferty au Conseil de l’Europe sur Le problème du recours non réglementé à l’objection de conscience pour l’accès des femmes à des soins médicaux légaux du 20 Julie 2010, qui a été discuté le 7 octobre 2010 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui  a adopté la Résolution 1763 « Le droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux ». Le premier article de la Résolution déclare :

« 1. Nul hôpital, établissement ou personne ne peut faire l’objet de pressions, être tenu responsable ou subir des discriminations d’aucune sorte pour son refus de réaliser, d’accueillir ou d’assister un avortement, une fausse couche provoquée ou une euthanasie, ou de s’y soumettre, ni pour son refus d’accomplir toute intervention visant à provoquer la mort d’un fœtus ou d’un embryon humain, quelles qu’en soient les raisons. »

On doit remarquer que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle clairement que l’avortement provoque « la mort d’un fœtus ou d’un embryon humain ». On doit souligner aussi que opinions et propositions du Rapport de Christine McCafferty et de son « Resolution draft » ne sont pas été adoptées par l’Assemblée dans sa Résolution, par exemple, si le Rapport déclare : « In the majority of Council of Europe member states, the practice of conscientious objection is inadequately regulated or largely unregulated », la Résolution dit que  «Dans la grande majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe, la pratique de l’objection de conscience est dûment réglementée». Le premier article de la Résolution reconnait le droit à l’objection de conscience pas seulement aux individus mais aussi aux hôpitaux et établissements, en contraste avec la proposition du Rapport : « 4.1.1. guarantee the right to conscientious objection only to individual healthcare providers directly involved in the performance of the procedure in question, and not to public or state institutions such as public hospitals and clinics as a whole », il est claire que il-y-a de différences frappantes entre le projet de Chr. McCafferty et le texte adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Le Rappport considère que le recours à l’objection de conscience est un obstacle à la pratique de l’avortement en plusieurs pays et cite notamment la situation en Italie : « où près de 70 % des gynécologues et 40 % des anesthésistes invoquent l’objection de conscience et refusent de pratiquer des actes liés à l’avortement. Ces obstacles s’opposent de manière manifeste aux normes en matière de droits fondamentaux, ainsi qu’aux normes médicales internationales » (p. 14)

En ce qui concerne les effets de l’objection de conscience, l’édition en ligne d’un journal italien a remarqué que en Italie effectivement environ 70% de gynécologues sont objecteurs de conscience, mais qu’il-y-a aussi 1.688 gynécologues non-objecteurs. Avec environ 110.000 IVG par année résulte une moyenne de 65 interruptions par année pour chaque gynécologue non objecteur, c’est-à-dire 1,4 interruption la semaine. (www.libero.it, 23 Juin 2013, Le sciocchezze sull’obiezione di coscienza, (Les bêtises sur l’objection de conscience) de Roberto Volpi) Peut-être que la distribution des gynécologues non objecteurs n’est pas homogène sur le territoire, mais on doit aussi tenir compte de la tendance dans le système sanitaire de centraliser les services hospitaliers pour garantir une meilleure qualité des soins dans de structures spécialisées, avec pour exemple la disponibilité d’un service de soins intensifs bien équipé. La diffusion des services médicaux au niveau local ne peut pas se faire au détriment de la qualité du service.

Délai

Le Rapport se plaindre du fait que l’avortement serait « souvent » retardé

« 11.

souligne que, même dans les cas où il est légal, l’avortement est souvent empêché ou retardé par des obstacles aux services appropriés, par exemple le recours répandu à l’objection de conscience, les périodes d’attente non nécessaires d’un point de vue médical, ou les conseils partiaux» (p. 14).

et

« Les femmes sont surtout confrontées au recours non réglementé à l’objection de conscience par les professionnels de la santé génésique, aux périodes d’attente obligatoires, et aux conseils partiaux » (p. 14) Il-y-a plusieurs raisons pour ce retard : pour chaque traitement médical il est nécessaire le consens informé, on ne peut pas prétendre que l’avortement soit pratiqué automatiquement. En médecin responsable a aussi à évaluer la personnalité et l’état psychique de la femme et le risque de complications  psychiques.

Dans le cas de la grossesse ils sont nécessaires aussi de consultations pour vérifier la volonté de la femme et exclure que la décision soit déterminée par les pressions du père de l’enfant ou de parents de la femme ; vérifier si la motivation pour l’avortement est d’ordre financier ou social et en cas de difficultés économiques ou sociales offre des aïds, etc.

Éducation sexuelle

Le Rapport souligne l’importance de l’éducation sexuelle :

« C.

considérant le rapport du rapporteur spécial des Nations unies publié en 2010 sur le droit à l’éducation, qui indique que le droit à une éducation sexuelle intégrale est un droit fondamental ». (p.5)

On doit rappeler que la Recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux Etats membres sur des mesures visant à combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, propose des mesures d’éducation sexuelle mais reconnait aussi que :

« Ces mesures devraient tenir compte des droits des parents concernant l’éducation de leurs enfants ». (n. 32)

Ce principe devrait être inséré dans les textes. Dans la formulation des programmes pour l’éducation sexuelle on doit respecter les droits de parents, pris non seulement singulièrement mais aussi comme groupe, en respectant la sensibilité et la culture dans les différents pays membres.

Développement

Bien que la proposition de Règlement du Parlement européen et du conseil établissant le troisième programme d’action pluriannuel de l’Union dans le domaine de la santé pour la période 2014-2020, intitulé «La santé en faveur de la croissance» (COM (2011) 709) « ne fasse aucune mention des SDSG » (p.6), le Rapport a la prétention de rappeler « aux États membres que les investissements dans la santé génésique et la planification familiale sont parmi les moyens les plus efficaces, en matière de rapport qualité-prix et de développement, de favoriser le développement durable d’un pays » (p. 8) et sans fournir la moindre preuve de cette thèse, prétende que les actions de coopération internationale pour le développement devraient prendre en compte les droits sexuels et génésiques (santé et droits sexuels et génésiques : SDSG) :

« prie la Commission de veiller à ce que la coopération européenne au développement adopte une approche basée sur les droits fondamentaux, et à ce qu’elle mette fortement l’accent de manière explicite sur les SDSG, avec des objectifs concrets » (p.9) : une requête totalement infondée et injustifiée.

Dr. Ermanno Pavesi, FIAMC Secretary General

29.6.2013

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http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=fr&reference=2013/2040(INI)