Théoriquement libéré de ses obligations professionnelles, le médecin qui accède au statut de retraité et perçoit sa « pension » régulièrement acquise cesse-t-il pour autant d’être médecin et de devoir agir en conséquence ?

Bien évidemment, comme la plupart des professionnels, il ne peut plus exercer dans les mêmes conditions qu’auparavant, encore que les besoins en Santé Publique permettent certains cumuls, et qu’en face d’une situation d’urgence, il est tenu, comme tout citoyen, d’apporter sa contribution aux soins immédiats, lors d’un accident par exemple.

Certains coupent tous les ponts avec leur ancienne profession et deviennent à temps plein marins au long cours, peintres, écrivains, historiens, généalogistes, champions de bridge?libérant ou accomplissant des passions longtemps contenues et participant souvent à des organisations type « université du temps libre ».

D’autres, plus nombreux, s’orientent vers un bénévolat médical ou chirurgical, par le biais de missions lointaines, d’aides temporaires à des ONG, de participations à des organismes publics ou privés de consultations gratuites en milieux défavorisés, d’aide alimentaire, de prise en charge des sujets âgés, comme médecins coordonnateurs ou administrateurs de maisons de retraite? Ils estiment qu’ils se sentent encore capables d’apporter leur concours à l’action sanitaire et sociale locale ou plus lointaine et témoignent ainsi du maintien de leur sentiment d’appartenance à la famille médicale, et de leur souci de rendre à la société une contre-partie de ce qu’elle leur a apporté, en regrettant parfois qu’on ne fasse pas assez recours à eux. Le monde du soin dans son ensemble réagit volontiers de cette façon: pensons par exemple aux visites régulières  de résidents en maisons de retraite, assurées aussi bien par de hauts cadres hospitaliers que par d’anciennes infirmières ou aides-soignantes.

Etant donné la diversité des « reconversions », quel sens ont donc la mise à la retraite et la pension de retraite ? Cette dernière, assise sur les cotisations prélevées lors des années d’exercice, est certes une redistribution amplement justifiée, mais elle repose aussi sur la participation des plus jeunes, qui s’interrogent légitimement sur ce que sera leur propre pension. Financièrement, nous restons attachés à l’ensemble du corps médical et nous sommes parties prenantes des équilibres délicats entre actifs et retraités. « Jouïr » de sa retraite ne supprime pas le questionnement quant à la permanence de notre mission et de notre statut de médecin.

Faut-il là aussi parler d’éthique ? Pourquoi pas ? Le médecin retraité ne peut pas se dire totalement « libéré » par rapport à l’engagement de sa vie active et il doit continuer à arbitrer en conscience entre les diverses opportunités et obligations qui se présentent à lui concrètement dans sa nouvelle carrière humaine. Continuer à agir positivement dans le domaine sanitaire et social: les réponses possibles sont très ouvertes, y compris pour l’épanouissement personnel et familial. Essayer d’apprécier, en s’aidant au besoin du regard des autres, ses capacités utiles restantes, en fonction des effets de l’âge et du décalage progressif qui s’installe avec les plus jeunes. Bien prendre en compte l’évolution de l’environnement familial et social, veiller à éviter la surexposition et le surmenage? Les secteurs ne manquent pas dans la vie d’un retraité qui justifient une réflexion et parfois une remise en question.

Dr Christian BREGEON

http://www.ccmf.fr/Home