L’article R 4127-18 du code de Santé Publique confirme pour le médecin la possibilité de mettre en avant sa clause de conscience devant une demande d’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). Pourquoi faut-il donc s’inquiéter ? Depuis plusieurs années cette disposition est régulièrement mise en cause. En décembre dernier le Conseil de l’Europe publiait un rapport visant l’égalité des femmes devant le droit à l’avortement grâce à 54 recommandations dont une demande la restriction de la clause de conscience des médecins. En janvier 2017, le Haut Conseil à l’égalité homme-femme considérait cette clause de conscience comme un obstacle pour les femmes. La suppression de cette clause à propos de l’IVG constituera un précédent permettant son extension à d’autres champs du soin.

En 1975, la loi Veil visait à dépénaliser dans des conditions précises l’IVG pour répondre à une situation de souffrances vécues par la femme. Cette loi était portée par le Ministère de la Santé. Aujourd’hui la réécriture de cette loi est sous l’autorité du Secrétariat d’Etat à l’égalité femme homme. Mme Najat Vallaud-Belkacem puis Mme Schiappa ont changé l’esprit de celle-ci. Nous parlons de « droit à l’avortement» et d’égalité d’accès. Nous changeons de paradigme, de la réponse médicale à la réponse sociétale. Que faudra-t-il de plus pour qu’autonomie (liberté) et égalité soient respectées et sans obstacle ?

Dès la moitié du XXème siècle, une revendication visant à la prise en compte de la parole du patient émerge avec la critique du pouvoir médical avec des auteurs comme Ivan Illich dans les années 1970. L’adoption en 2002 de la loi sur les droits du patient marque véritablement ce nouveau mouvement voulant donner toute sa place au patient, parfois dans un contexte de méfiance à l’encontre des médecins. En 2005, la première version de la loi Léonetti portant sur « la limitation des soins en fin de vie » n’est-elle pas arrivée dans ce contexte ? En 2016, elle change de titre pour devenir « loi relative aux droits des malades à la fin de vie ». Nous passons ainsi des devoirs du médecin aux droits du patient. Quels vont être les enjeux du débat législatif à venir relatif à la fin de vie ?

Le débat national sur la révision des lois de bioéthique confirme ce mouvement de fond dans lequel nous sommes inscrits. Certains de ses éléments justifient notre crainte d’une plus grande fragilisation de cette clause de conscience. Nous voyons apparaître de façon plus pressante la demande sociétale face à la demande médicale à propos en particulier de « la PMA ». Nous passons du droit de l’enfant de l’enfant au droit à l’enfant, à mettre en parallèle avec l’évolution de la loi sur l’IVG. D’aucuns considèrent que le médecin se doit de répondre à la demande de la société, cette dernière ayant investi pour sa formation ? D’autre part, l’autonomie du patient devient clairement le principe éthique premier. En effet, pour nos contemporains notre dignité passe par notre autonomie. Oui mais, ce sera toujours l’autonomie du « plus fort » qui sera respectée… Enfin, cette recherche obsessionnelle de la maîtrise des procédures et du respect du principe de précaution est une perte de liberté, de créativité pour tous et verra son accomplissement avec la suppression ou au moins l’encadrement de la clause de conscience entre autres des médecins.

Dr Bertrand Galichon

Président du Centre Catholique des Médecins Français

https://hopital-urgence.blogs.la-croix.com/clause-de-conscience-un-point-de-vigilance/2019/03/12/