Depuis maintenant 8 ans, chaque 18 Octobre fête de la Saint Luc, le miracle se renouvelle. La chapelle de l’hôpital Lariboisière est pleine. A l’invitation de l’Aumônerie de l’hôpital et du Centre Catholique des Médecins Français (CCMF), elle accueille les soignants, les médecins ou les administratifs chrétiens de l’hôpital et des alentours. Pourquoi ces hommes et ces femmes éprouvent-ils le besoin de venir exprimer leur foi entre professionnels, de prier pour eux-mêmes  comme aujourd’hui dans une trentaine d’endroits en France, le plus souvent sur leur lieu pivot de la santé en France, l’hôpital?

La laïcité à la française interdit toute publicité d’ordre spirituel à l’hôpital. Mais elle est aussi la garantie que la spiritualité qui constitue la source du Bien de chacun puisse être vécue. L’importance du sujet veut que l’information passe malgré tout. Car la vocation du soin est de donner à chaque patient sa place humaine en communauté et de vivre à nouveau de ce Bien spirituel. Le Père Fessard nous le rappelle ce Bien nous est commun et fait autorité*.

Notre foi chrétienne s’exprime, se nourrit, se fortifie  en communauté. Voilà la raison première de cette fête : se dire et se reconnaître comme chrétiens avec ceux qui partagent notre quotidien professionnel.

Prier ensemble les uns pour les autres, est un acte fort. C’est exprimer, accepter avec humilité nos propres faiblesses. Nous demandons l’aide des autres et du Tout Autre. Par le mystère incarné de l’Eucharistie, l’Esprit vient au cœur de l’hôpital, ce lieu qui nous habite. Et notre regard porté change. Il ne peut plus être le même. Il devient apaisé. Nous prenons conscience que ce microcosme a priori scientifiquement, économiquement et juridiquement normé est ouvert à l’action trinitaire de l’Esprit et ce malgré nos insuffisances.  Nous n’en sommes que les médiateurs, souvent à notre corps défendant. La belle anecdote des fils de Mme C. (cf chronique précédente) est un exemple pris  parmi d’autres. Notre action ne fait pas tout, d’autres médiations sont à l’œuvre. Notre savoir « scientifico-professionnel » bute sur l’apparent irrationnel de l’homme. Nous faisons l’expérience que d’autres voies nous sont offertes pour connaître (fréquenter) notre humanité et sa consubstantielle spiritualité. Le spirituel n’est donc pas une réalité hors sol. Notre foi se trouve nourrie et émondée par la densité d’humanité concentrée dans l’enceinte de l’hôpital ou nos cabinets de consultation. Avec cette célébration de la Saint Luc, nous sommes clairement invités à considérer l’autre (malade ou non) comme aussi aimable aux yeux du Père. Nous touchons du doigt que l’hôpital s’inscrit dans un mouvement trinitaire. Nous en rendons grâce… Nous passons du « bien commun » au « bien de communion ». Et cela change tout !

A chaque Saint Luc, ici comme ailleurs, le partage convivial de quelques nourritures terrestres vient souligner, incarner ce lien communautaire qui va irriguer nos relations de travail. Des liens forts se tissent au-delà des procédures, des protocoles ou des hiérarchies.

Nous avons la chance de pouvoir mettre en dialogue notre réalité professionnelle la plus incarnée, la plus triviale avec notre intime, notre spiritualité, notre foi. Cette proximité veut que méditer sur son travail c’est aussi méditer sur sa foi. Cet ajustement nous libère. Ainsi notre lieu de travail transcendé par cette simple célébration de la Saint Luc nous affirme que notre foi n’est pas une réalité hors sol.