Le 2 décember 2021, Mgr Aldo Giordano, ancien nonce apostolique auprès de l’Union européenne et ami des Fédérations Européenne (FEAMC) et Internationale (FIAMC) des Associations Médicales Catholiques, est décédé. Ce texte a été publié lors de son homélie à la réunion du Bureau de la FEAMC à Strasbourg, le 18 avril 2009.

L’Eglise en Europe 

Aldo Giordano 

Je vais tenter de préciser le sens du thème que nous allons traiter. Lorsque nous nous demandons quel type de témoignage chrétien est capable de donner un futur à l’Europe et nous devons garder un horizon grand ouvert. Car si, en abordant un problème particulier, nous l’approchons de nos yeux, il se met à grossir et finit par occuper tout l’horizon. La lumière nous manque. En revanche, si nous parvenons à éloigner un peu ce problème de nos yeux et à le situer dans son horizon, il se rapetisse et se relativise, en retrouvant sa place dans le cadre qui est le sien. Ainsi, nos yeux demeurent libres de voir où se trouvent les vraies racines du problème et les solutions possibles. Pour les problèmes historiques et ecclésiaux qui se présentent à nous aujourd’hui, l’horizon en jeu est l’Europe et le monde. 

L’horizon grand ouvert que nous devons considérer est d’abord celui de l’évangile et de la vie de communion ecclésiale des croyants. Le Ressuscité nous a promis qu’il nous << précèdera en Galilée », autrement dit qu’il nous précèdera là où nous vivons, là où nous allons. Nous avons ainsi la certitude que le Ressuscité est parmi nous aujourd’hui, et qu’il est le monde est appelé à se diriger demain : le Ressuscité nous précède et nous attend. 

1. LEurope et le village global 

L’espace tend à se contracter de plus en plus. Autrefois l’espace était très vaste, et le monde était grand; maintenant, il est de plus en plus « petit >: c’est le fameux village global. Les progrès technologiques, les communications, les phénomènes migratoires tendent à réduire l’espace. Il se crée ainsi une situation paradoxale: quand le monde était très grand, les différences entre cultures et peuples existaient, mais elles ne faisaient pas peur car elles étaient trop lointaines; elles ne nous touchaient pas directement, et il y avait de la place pour tout le monde. Les différences paraissaient « petites ». Dans le passé, nous les Européens, ne savions même pas que la Chine existait, et la Chine n’était donc pas un problème. Aujourd’hui, les marchés et les hommes politiques sont devenus bien conscients de l’existence de la Chine, parce que le monde est devenu petit. La Chine joue maintenant chez nous, et nous jouons chez les Chinois. Si les musulmans étaient des peuples qui vivent au loin, ils ne susciteraient aucune interrogation; mais maintenant que nous habitons la même maison, nous découvrons combien nous sommes distants, différents. Le paradoxe réside précisément dans le fait qu’en étant devenus si proches, nous avons pu constater à quel point nous sommes éloignés, différents. Le défi de la fraternité est donc devenu beaucoup plus urgent aujourd’hui qu’il ne l’était hier. Dans un monde très grand, nous pouvions être moins frères; aujourd’hui, redécouvrir la fraternité est devenu une urgence absolue, historique, car sinon nous courons des risques énormes, tels que le terrorisme, le choc des civilisations, les guerres catastrophiques, la faim, la crise énergétique, le monopole de l’eau… 

2. Nous remettre en recherche ensemble 

Devant toutes ces questions, il est urgent de nous remettre encore une fois en recherche. 

La célèbre pièce de théâtre en deux actes de Samuel Becket, « En attendant Godot », raconte l’histoire de Vladimir et Estragon, qui attendent le mystérieux Godot sur une route de campagne déserte. Les deux hommes, deux pauvres types vêtus presque comme des clochards, se plaignent constamment du froid, de la faim, des douleurs ; ils se disputent et envisagent de se séparer. Ils pensent même au suicide. Mais à la fin, ils ne font rien parce qu’ils attendent Godot qui doit arriver d’un moment à l’autre. Passent les jours et les semaines, et Godot n’est toujours pas là. Outre les deux protagonistes qui passent leur temps passivement, deux autres personnages font leur apparition, Pozzo et Lucky, continuellement en voyage dans le seul but de se prouver qu’ils existent. Pozzo, qui dit être le propriétaire des terres sur lesquelles se trouvent Vladimir et Estragon, est un homme cruel qui traite son serviteur Lucky comme une bête, allant même jusqu’à le tenir en laisse. Ensemble, avec des péripéties diverses et d’autres personnages qui passent, ils attendent Godot qui ne vient pas. Un jour arrive un jeune homme qui dit : « Godot sera là demain ». Ils reviennent le lendemain, mais Godot n’est pas là. Le jeune homme revient encore et dit « Godot viendra demain », mais Godot n’arrive jamais. Passent les mois et les années, les deux protagonistes sont de plus en plus mal en point: l’un est devenu aveugle, l’autre muet, mais ils continuent à venir au même endroit. Godot n’arrive jamais. Cette pièce peut sembler comique par son côté absurde, mais au fur et à mesure qu’on la lit, on aurait plutôt envie de pleurer que de rire. On y trouve en effet une métaphore amère de l’humanité et de nous-mêmes: Qui attendons-nous ? Que faisons-nous pour remplir cette attente? Ces deux pauvres types attendent quelqu’un, mais qui est Godot ? Et pourquoi gâcher sa vie sans aucun sens? 

Il se peut que notre humanité soit en recherche, mais elle ne sait ni qui chercher, ni ce que veut dire vivre en attendant quelque chose ou quelqu’un. On a l’impression que cette recherche s’est encore renforcée ces dernières années, en réponse notamment aux tragédies historiques que les médias ont transformées en phénomènes planétaires. 

Les hommes cherchent le verum, le bonum, le pulchrum, lunum, c’est-à-dire la vérité, l’amour, la beauté, l’unité. Les hommes cherchent un but, un sens, la joie, le bonheur, la beauté, l’amour, le bien. Ils cherchent Dieu. Pour éviter d’attendre vainement Godot, il est important de faire émerger les questionnements qui sont en nous : Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Que faisons-nous de notre vie ? Qui attendons-nous ? 

3. Pluralisme religieux en Europe 

Cette nouvelle recherche du vrai, du beau, du bon et de l’un se déroule aujourd’hui en Europe dans le cadre d’un pluralisme religieux évident. 

Le christianisme Les Européens (environ 800 millions) sont dans leur grande majorité chrétiens (ca 600 millions), mais nous savons quelle complexité se cache derrière ces chiffres. L’Europe, premier continent à avoir connu l’inculturation du christianisme, a joué un rôle essentiel dans l’évangélisation du reste du monde. Le moyen âge a marqué l’affirmation de la chrétienté. Mais c’est aussi en Europe que des divisions se sont fait jour à l’intérieur du christianisme, exportées ensuite dans les autres continents. Les progrès des temps modernes ont été 

accompagnés d’une « crise » dans la chrétienté : de la sécularisation au sécularisme, à l’athéisme, au nihilisme, à la « mort de Dieu », au retour de la demande religieuse de nos jours. De son côté, l’Europe de l’Est a vécu plusieurs décennies d’athéisme d’État. 

Avec la chute du mur de Berlin en 1989, quelque chose a changé dans le paysage cecuménique européen : le principal problème qui se pose aujourd’hui semble être celui du rapport entre l’histoire, la culture et la tradition de l’Ouest et celles de l’Est. Du point de vue catholique, nous vivons une sorte de paradoxe dans les rapports oecuméniques : avec les orthodoxes, nous avons une grande proximité théologique est spirituelle : le principal obstacle théologique est la question du primat. Mais en réalité, il existe une distance culturelle, historique et psychologique, mise en lumière notamment par les incompréhensions sur les questions du prosélytisme et des rapports entre orthodoxes et gréco-catholiques. Avec les Eglises de la Réforme en revanche, il y a une plus grande proximité culturelle et historique, mais il y aussi de plus grands obstacles théologiques, principalement de nature ecclésiologique : primat, succession apostolique, ministères (ordination des femmes) sacrements (Eucharistie). En outre, nous sommes souvent divisés sur les questions éthiques, notamment sur celles qui ont trait à la bioéthique et à la famille. Il me semble qu’une contribution « oecuménique » sérieuse pour clarifier cette nouvelle … t consister à affronter ensemble (Est et Ouest) la question de la sécularisation. 

Lorsqu’on réfléchit sur la situation du christianisme en Europe, le débat qui a eu lieu ces dernières années sur les racines chrétiennes de notre continent, à l’occasion de la difficile élaboration du traité constitutionnel de l’Union européenne, est très indicatif. Ce débat a été particulièrement animé et intéressant, mais du point de vue du christianisme, il a aussi mis en lumière une problématique de fond. Pourquoi n’a-t-on pas pu trouver un consensus pour mentionner Dieu et le christianisme ? Certains ont dit que c’était pour éviter de privilégier une religion, comme s’il y avait un gâteau à se partager ; d’autres ont considéré qu’en mentionnant le christianisme, on ferait un tort aux autres religions, en particulier à l’islam ; d’autres encore que cela risquait de remettre en cause de la laïcité… d’autres enfin ont soutenu la thèse selon laquelle la religion est un fait exclusivement privé. La question que nous nous posons comme chrétiens est : « Jésus Christ est-il venu sur terre pour défendre des privilèges ? Un Dieu qui meurt en croix par amour peut-il être un risque pour nos frères musulmans ? Un évangile qui distingue très clairement entre ce qui est dû à César et ce qui est dû à Dieu peut-il être un danger pour la laïcité ? Quel contenu ont aujourd’hui en Europe le mot christianisme, le mot Dieu et le mot religion ? Comment se fait il que le mot christianisme ait pris une connotation négative aux yeux de certains, comme s’il représentait un danger pour l’Europe ? 

Judaïsme Le judaïsme (2,5 millions) appartient aux racines historiques de l’Europe. Les rapports avec le judaïsme sont compliqués par la terrible tragédie de l’Holocauste et par la situation actuelle au Proche-Orient. Il est nécessaire de relancer un dialogue authentiquement théologique. 

Islam Il existe en Europe des pays d’ancienne tradition islamique comme la Turquie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, mais la présence croissante de musulmans, due principalement au phénomène migratoire et à l’afflux de réfugiés, est un fait nouveau : ils sont aujourd’hui près de 35 millions (ils étaient 12 millions en 1991). En France, il y aurait 5 millions de musulmans. Après le 11 septembre 2001, la crise dans tout le Moyen-Orient, le terrorisme, les attentats de Madrid et de Londres, les réactions violentes aux caricatures sur Mahomet, les rapports avec l’islam ont pris une dimension fortement politique. Pourtant, dans le monde musulman « européen », il existe aussi un certain pluralisme : la distinction classique entre sunnites et chiites ; les différences liées au pays d’origine (Turquie, Maghreb…). Aujourd’hui, le pluralisme naît surtout des différences dans le rapport à la société moderne : les représentants du réformisme musulman et de l’islam des « lumières » envisagent la possibilité d’une inculturation de l’islam dans la culture européenne, tandis que la plupart des musulmans s’opposent à la culture occidentale qu’ils jugent hostile et dégénérée. 

Bouddhisme : Depuis quelques années, on constate une recrudescence de l’intérêt pour le bouddhisme en Europe. 

Religions alternatives : Ce que certains qualifient de « retour du religieux ou du sacré » sous ses diverses expressions (ésotérique, gnostique, archaïque, vitaliste, panique, mythique), est un autre trait marquant de notre culture et de notre histoire. On assiste à la diffusion de formes de néo-paganisme et de mouvements philosophiques (humanistes) qui s’organisent sur le modèle des communautés religieuses et qui revendiquent les mêmes droits qu’elles. 

Si nous tentons d’imaginer le futur (sans vouloir être prophètes), nous voyons que la dimension du pluralisme religieux deviendra de plus en plus forte, compte tenu notamment de l’évolution démographique mondiale, du phénomène migratoire en expansion, et de la mondialisation. 

4. Laffirmation du relativisme 

Pour enrichir notre regard sur la situation religieuse en Europe, je voudrais m’arrêter un instant sur un phénomène qui, tel un fantôme, se répand dans les rues d’Europe et du monde occidental depuis quelques temps, mais dont les racines sont plus lointaines : le relativisme. 

Le relativisme est une idéologie qui soutient que rien n’a un caractère absolu et immuable, et que tout est « relatif » aux personnes, aux époques, aux lieux, aux situations concrètes. Autrement dit : il n’existe pas de vrai et de faux, de bon et de mauvais valables universellement et absolument. « Une dictature du relativisme est en train de se constituer qui ne reconnaît rien comme définitif et qui ne retient comme critère ultime que son propre ego et ses désirs >> 

Cette idéologie est devenue une façon de vivre, une pratique que nous retrouvons dans différents domaines, et qui peut prendre de nombreux visages. 

J. Ratzinger, Homélie à la Messe Pro eligendo Romano Pontefice, 18 avril 2005. 

1. Le premier domaine où apparaît la question du relativisme est celui de la morale ou de l’éthique. Le bien et le mal sont-ils des réalités objectives, absolues, immuables, ou sont-ils « relatifs » aux changements historiques, à notre liberté et à notre décision ? Je pense au débat délicat en cours sur le thème de la vie : expérimentations sur les cellules souches embryonnaires, clonage, possibilité de générer des embryons hybrides ou chimères (croisement entre l’homme et l’animal), avortement, euthanasie. La vie de la personne humaine est-elle un bien en soi, objectif, absolu, non négociable, ou la valeur et la dignité de la vie sont-elles au contraire relatives à la liberté humaine ? La liberté humaine et les conditions particulières de la vie peuvent-elles décider où commencent et où finissent la dignité et la valeur de la vie ? Ce sont des questions sur lesquelles se joue l’avenir même de la personne humaine. Dans les nombreuses rencontres des évêques d’Europe auxquelles j’ai pu participer, j’ai constaté qu’il s’agit là d’une préoccupation majeure. 

2. Si nous passons maintenant au domaine de la vie sociale et de la politique, se pose la question : les droits et les devoirs qui sont à la base du « vivre ensemble » ont-il un fondement objectif, absolu, rationnel, ou leur contenu se perd-t-il dans l’anarchie des interprétations, par le fait qu’il est « relatif » aux diverses religions, cultures, philosophies, idéologies, économies ? Les droits et les devoirs sont-ils relatifs à la nécessité pragmatique qu’ont les hommes de se mettre d’accord sur des règles partagées pour rendre le voyage de la vie supportable, avec le moins d’accidents possibles ? Les droits et les devoirs ont-ils une valeur en soi, ou sont-ils relatifs à la décision des législateurs ? 

3. Le relativisme pose également au monde la question radicale du savoir et du connaître. La raison humaine est-elle capable de discerner la vérité de la réalité, de connaître les choses telles qu’elles sont vraiment et objectivement, ou la connaissance du réel est-elle relative au point de vue des individus, des sujets, des interprétations, des sensations, des courants de pensée ? Encore plus radicalement : la vérité des choses est-elle relative à une science donnée, qui prétend dire toute la vérité sur la réalité ? Pensons au grand défi à propos de la conception de l’homme lancé aujourd’hui par les neurosciences qui étudient le fonctionnement du cerveau humain, qu’elles décrivent comme un ensemble de processus neuronaux. En réalité, il n’y a aucun problème dans le fait que ces sciences expliquent ainsi le cerveau : au contraire, elles apportent une contribution importante à la connaissance de la personne humaine du point de vue biologique. Le problème se pose lorsque ces sciences ne se contentent plus de contribuer à la connaissance de la personne humaine, en laissant aussi une place aux autres domaines du savoir, mais prétendent tout dire sur la personne humaine. Ce faisant, les neurosciences deviennent une neurophilosophie, et même une neurothéologie qui prétend dire toute la vérité sur l’homme. En réduisant le cerveau et la personne à une série de processus biologiques, cette neurophilosophie veut imposer sa vision naturaliste et matérialiste de l’homme: elle affirme la non-existence du moi, nie toute transcendance du sujet, ouvrant ainsi la voie à la « mesurabilité » et à la « manipulabilité >> de l’homme. L’homme est une machine qui fonctionne ainsi parce qu’elle est ainsi faite. Dans cette perspective, la liberté, la faute et la responsabilité ne sont qu’une simple illusion. Ces défis nous mettent devant la « nouvelle question anthropologique »; c’est l’homme en soi qui est remis en question. 

5. La bonne nouvelle 

Dans ces circonstances, quel chemin devons-nous suivre pour l’avenir ? 

J’ai pu participer à Rome aux funérailles de Jean-Paul II. Je me trouvais aux premiers rangs, parmi les délégations des différentes nations. Quand le cercueil est arrivé sur la place, il s’est créé une atmosphère sacrée. Le cercueil a été déposé entre le Christ crucifié et le cierge pascal : on avait l’impression que le pape avait disparu, et qu’il n’y avait plus que le Christ crucifié et ressuscité. Sur le cercueil était posé l’évangile, feuilleté continuellement par le vent, puis refermé du côté du coeur du pape. Nous y avons tous vu un défi à repartir de ce qui est essentiel et qui demeure. 

Le Christ crucifié Nous devons demander le don d’avoir des yeux pour reconnaître la présence de Jésus Crucifié et Abandonné. Sur la croix, le Fils partage les larmes et l’obscurité de l’humanité, et il assume en lui la douleur et la ténèbre jusqu’au don de sa vie. Le Fils a rejoint l’humanité là où elle est. Si l’Europe a cédé à la tentation de s’éloigner de Dieu, le Fils n’a pas abandonné l’Europe, mais l’a rejointe au coeur de cet abîme. Sur la croix, il a fait l’expérience de l’abandon du Père, pour pouvoir prendre sur lui l’abandon que vit l’homme européen. Le Christ a déjà donné sa vie pour notre Europe. Avoir les yeux du Crucifié signifie reconnaître sa présence « crucifiée » dans toutes les douleurs, les nuits et les trahisons que nous vivons. Il est présent dans la sécularisation et dans le relativisme, où il accomplit une oeuvre de conversion de notre manière d’agir et de penser qui apportera sa nouveauté. Dans cette nuit obscure historique, Dieu n’est pas absent, mais présent et crucifié. 

Le Christ Ressuscité Nous devons demander le don d’avoir des yeux pour reconnaître la présence de Jésus Ressuscité. Le Ressuscité a promis qu’il << sera avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Avoir les yeux du Ressuscité signifie déceler sa présence et son oeuvre en Europe, partout où sa Parole est proclamée, où l’Eucharistie est célébrée, où deux ou trois personnes se réunissent en son nom (Mt 18,20) – autrement dit, où elles sont disposées à vivre la charité mutuelle, lieu de sa présence -, où des hommes vivent l’amour en luttant pour la justice, la solidarité, la paix, le pardon, la réconciliation… Le Ressuscité est la vérité chrétienne. Le Ressuscité est le contenu du vrai, du beau, du bon que le coeur humain attend. Le Ressuscité est le verum, le bonum, le pulchrum et lunum que l’humanité cherche et attend. 

La veille des funérailles de Jean-Paul II, me trouvant déjà à Rome, je suis allé au Vatican pour voir si je pouvais aller prier devant le cercueil du pape. Je me trouvais devant la porte Sainte-Anne quand une jeune fille noire est venue vers moi en me disant: «Emmène-moi voir le pape ! ». J’ai souri et je lui ai répondu : « Il y a près de deux millions de personnes qui voudraient voir le pape, et je ne pourrai probablement pas entrer, moi non plus ». Elle a insisté : « J’aime beaucoup le pape, je voudrais le voir, et je ne peux plus faire la queue, Vous pouvez me faire entrer ! ». J’ai été surpris par sa naïveté et par sa « foi » en moi ! Je leur ai dit, à elle et à son amie, de me suivre. Nous avons pu entrer dans la basilique en franchissant les contrôles des Gardes Suisses. À la fin, elles m’ont remercié avec émotion. Je leur ai dit : « Peut-être ne nous rencontrerons-nous plus sur cette terre, mais nous pouvons nous donner rendez-vous au paradis ». Elles m’ont regardé avec surprise et joie et m’ont répondu : « Alors, au revoir au paradis. Vous, vous irez certainement au paradis à cause du cadeau que vous nous avez fait ». Le paradis est l’accomplissement de l’expérience du vrai, du beau et du bon que nous vivons déjà sur terre. 

Strasbourg, 18.04.2009 

FEAMC 

The Church in Europe 

Aldo Giordano 

I’ll try to clarify the meaning of the theme we are going to deal with. We have to keep the horizon open and wide in our search into what the presence of Christian witness is capable of giving as a future to Europe and the world. In fact, if deal with a specific problem by bringing it closer to our eyes, the problem itself will become even more exaggerated, to the extent that it fills the horizon of our vision. The light begins to fade. If instead, we know how to distance the problem from our eyes, to position it in its rightful context, the problem becomes smaller and relative since it is placed in the context to which it belongs. In this way, our gaze remains free to see where the real roots of the problem and its possible solutions are. The horizon at stake today is Europe and the world, because of the historic and ecclesiastical problems we must face. 

Above all, the wide open horizon we have to keep is the Gospel and ecclesiastic life of the communion of believers. The Risen One promised to “go before us into Galilee”, which means to precede us to where we find ourselves living and going. Therefore, let’s have this great certainty that the Risen Lord is here among us today and is already there where the world is called to go in the future: The Risen Lord precedes us and awaits us. 

1. Europe and the global village 

In short, we can say that our world is reducing space quicker than ever. At one time, there was great space and the world was large, now it is becoming always “smaller”: the famous global village. Technical development, communications media and migratory phenomena are reducing the space. This is creating a type of paradox: when the world was very large, differences between people and cultures existed, however, this didn’t create fear because they were far away. They did not affect us directly and there was space for everyone. The differences appeared “small”. In times past, we Europeans didn’t even know that China existed, therefore, China was not a problem. Today, the markets and the politicians know very well that China exists because the world has become small and therefore we find China in “our own back yard” as we are in theirs. If Muslims were a people who lived in a world far from ours, they would not create questions. Instead, today, we live in the same house and so we discover how distant we are from each other, how different. The paradox is in the fact that being so close allows us see how far we are from each other, how different. For this reason the challenge of fraternity has become more urgent today than it was yesterday. In a very large world we could have remained less fraternal. Today, we have an absolute historic urgency to re-discover fraternity, otherwise, we are running enormous risks. Risks of terrorism, clashes of civilization, catastrophes of war, hunger, energy crises, monopoly of water supplies….. 

2. To get back to searching together

Faced with this question it is once more urgent to start searching again. 

There is a very well known two act play in Europe called “Waiting for Godot” by Samuel Beckett. It tells of Vladimir and Estragon who are waiting for the mysterious desolate country road. The two men, two poor wretches, dressed almost like beggars, continuously complain of the cold, hunger and pain; they argue and think of going their separate ways, they even contemplate suicide, but, in the end they never do anything because they are waiting for Godot, whose arrival is said to be imminent. Days and weeks pass, but, Godot never comes. Besides the two leading characters who passively spend their time waiting, there are two other characters: Pozzo and Lucky. These two, instead, 

continuously travel aimlessly to prove their existence. Pozzo, who describes himself as the owner of the land where Vladimir and Estragon are waiting, is a cruel man, who treats his servant Lucky like a beast, even keeping him on a lead. So, together, with events and personalities alternating, they wait for Godot, but Godot doesn’t arrive. One day a young man arrives who says: “Godot is coming tomorrow”. So, they come back the next day, but, Godot is not there; the young man who says “Godot is coming tomorrow,” returns, but, Godot never arrives. The months and years pass, the two become more wretched: one becomes blind, the other dumb, but, they continuously come back to the same spot. Godot never comes. This seems to be a comic play because of its absurdity. But, as you read it, little by little, instead of laughing you feel the need to cry. This work could be a bitter metaphor for humanity, ourselves, perhaps: who are we waiting for? What do we do to fill this waiting time? The two wretched men are waiting for someone, but who is Godot? Why waste life senselessly? 

Maybe our humanity is searching, but, it does not know who to look for or what it means to live waiting for someone or something. The impression is that in recent years this search has increased, above all to answer the historic drama that the mass media have made into a planetary phenomenon. 

People are looking for the “verum”, the “bonum”, the “pulchrum”, the “unum”, that is truth, love, beauty, unity. People are looking for the aim, the sense, joy, happiness, beauty, love, good. They are looking for God. To avoid pointlessly waiting for Godot it is important to let the question that are inside us emerge. Who are we? Where are we going? What are we doing in life? Who are we waiting for? 

3. Religious Pluralism in Europe 

The new search for truth, beauty, love and unity is taking place in Europe within a clear religious pluralism. 

Christianity The great majority of Europeans are Christian (approx. 800 million), but, we know the complexity of this fact. Europe saw the continental inculturation of Christianity and had a fundamental role in the evangelization of other regions of the earth. The middle ages were a time when Christianity established itself. Europe was also the location of the internal divisions in Christianity which were subsequently exported to the other continents. The development of modernism has brought with it the “crisis” of Christianity: from secularization, to secularism, to atheism, to nihilism, to the “death of God”, to the current return to the religious question. East Europe has lived through decades of state atheism. 

With the fall of the Berlin wall in 1989 the European ecumenical scene has also changed: the crucial questions are to be found in the relationship between history, culture and the tradition of the east and west. From a catholic viewpoint, we experience a type of paradox in ecumenical relationships: with the Orthodox there is great spiritual-theological closeness. The greatest theological difficulty relates to the Primacy. In reality, there is a cultural, historical and psychological distance. This is revealed in incomprehension regarding questions about proselytism and the relationship between Orthodox and Greek Catholics. Instead, with the churches of the Reformation, there is greater cultural and historical closeness while there are greater theological difficulties, especially of the ecclesiological type: the Primacy, apostolic succession, ministries (the ordination of women) and the sacraments (the Eucharist). Frequently, ethical questions too, separate us, especially those regarding bioethics or the family. 

In our reflection on the situation of Christianity in Europe it is worth noting the debate in recent years about the Christian roots of our continent during the laboured working out of the constitutional treaty of the EU. It was a particularly lively debate, interesting, but, from a Christianity viewpoint it indicated a basic problem. Why was there not a consensus in mentioning God or Christianity? Some though it was a question of privileges, as though there was a cake to be divided. Some maintained that mentioning Christianity would be to do wrong to other religions, especially Islam. Others felt it would have been a danger to the secular world…others still, defended the theory that religion is an exclusively private fact. The question we have to ask ourselves as Christians is: “Did Jesus Christ come on earth because of privileges? Is a God who dies on a cross out of love a risk for our Muslim brothers? Is a gospel that distinguished clearly between what must be given to Cesar and what must be given to God a danger for the secular world? What is the meaning of the words Christianity, or God or religion today in Europe? Why does the word Christianity 

sound like a threat to some in Europe? Consensus on this question was looked for by using a minimum common denominator instead of a maximum one. It can be admitted in an anonymous way that Europe has religious roots, but, nothing more. The debate did not take sufficiently into consideration the seriousness of the question of truth and meaning. Can we build a Europe which has no space for the truth and meaning? 

Judaism Judaism is part of the historic roots of Europe (2.5 million). The relationship between us is complicated by the enormous tragedy of the Holocaust and the current situation in the Middle East. It is necessary to re-launch an authentic theological dialogue. 

Islam There are countries in Europe with distant Islamic traditions such as Turkey, Albania, Bosnia, Herzegovina, but, the new fact is the growing presence of Muslims, because of migratory phenomena and refugees: around 35 million (in 1991 there were 12 million). France speaks of 5 million Muslims. The relationship with Islam took on a serious political dimension after September 11th, the Middle East crisis, terrorism, the attacks in Madrid and London, and the violent reaction to 

the satire on Mohammed. There is also a clear pluralism in the “European” Muslim world. Classic pluralism: Sunnite and Shiite; pluralism related to the country of origin (Turkey, Maghrib…) Today, pluralism comes from the different way of relating to modern society: representatives of Muslim reform or “enlightened” Islam see the possibility of Islam inculturating itself into the European culture, but, the majority of Muslims see western culture as something hostile or debase which should be fought against. 

Buddhism: There is a growing interest in Buddhism in Europe in recent years (2.5 million / in 1991 there were 270,000). 

Alternative religions: The so called return of religion or the sacred in its various expressions; esoteric, Gnostic, archaic, vitalist, pagan, Pan worship, and mythical, is another important element of our culture and history. Forms of neo-paganism and philosophical (humanistic) movements that are organised practically like religious communities are spreading and asserting their rights. 

If we try looking at the future (without being prophets) we can see that the religious pluralism dimension will be always stronger, considering especially the trends of global demography and the development of migration phenomena and globalization. 

4. The growth of Relativism 

To enhance our look at the religious situation in Europe I would like to examine a phenomenon that has started to make its ghost like appearance on the streets of Europe and the west in recent times: relativism. In reality, its roots are more distant. 

Relativism is an ideology that sustains that nothing exists that is absolute and unchanging, but, that everything is “relative” to people, times, places and concrete situations. That is: there is no universal and absolute valid true or false, good or bad, but, good or bad, false or evil can mutate (change) or be different in as much as they depend on the epoch, the circumstances and especially the free decision of the person. “A dictatorship of relativism is being formed that recognises nothing as definite and that as the final measure has only its own self and its wants”. 

This ideology has become a way of life, a praxis, which is present in many areas and has various expressions. 

1. The first area where relativism emerges is the moral or ethical one. Are good and evil objective, absolute, unchangeable or are they “relative” to the changes in history, to our freedom and decisions? Think of the very delicate debate going on regarding the topic of life: embryonic staminal cell experiments, cloning, the possibility of generating hybrid embryos or chimera (a cross between a man and animals), abortion, euthanasia. Is human life a good in itself, objective, absolute, non negotiable, or is the value and dignity of life relative to human freedom? Is it human freedom or the practical conditions of life that decide when the dignity and the value of life starts and ends? These are questions where the very future of the human person is at stake. I’ve taken part in many meetings of European bishops and have seen that this is a primary worry. 

2. If we move to a political and social context the question that emerges is: do rights and duties, which are the basis of social living together, have an objective, absolute and rational base or are the contents lost in the anarchy of interpretation because they are “relative to different religions, cultures, philosophies, ideologies, or economies? Are rights and duties relative to the pragmatic needs that man has to agree on shared rules so as to make life’s journey more tolerable with the least amount of possible incidents? Do rights and duties have a value in themselves or are they relative to the legislator’s decision? 

3. Relativism poses a radical question for the world of learning and knowledge. Is human reason capable of discerning the truth about reality, to know things as they really and objectively are or is knowledge of reality relative to the viewpoint of the individual, of subjects, interpretations, sensations and currents of thought? More radical still: is the truth about things relative to a single science that claims it contains the whole truth about reality? Think about the great challenges regarding the concept of man that come today from the neurosciences that study the workings of the human brain and explain the brain as a collection of neuronal processes. There is no difficulty with the fact that these sciences explain the brain in this way, on the contrary, they offer an important contribution to knowledge of the human being from a biological viewpoint. The problem arises when these sciences do not accept that they are only one contribution to the knowledge of man and leave space for other areas of knowledge, but claim that they contain the complete vision of the human being. Behaving in this way, the neurosciences become neuro-philosophy or also a neuro-theology that claims to contain the total truth about man. It is this neuro-philosophy, which reduces the brain and the person to mere biological processes, which wants to convince (us) that there is only a naturalistic and materialistic vision of man, that the self does not exist, that the transcendence of the person is non existent, that man is 

J. Ratzinger, HomilyPro eligendo Romano Pontefice“, 18 April 2005 

“measurable” and “manipulable”. Man is a machine that works like this because he is made like this. In this vision freedom, blame and responsibility become pure illusion. Overall, faced with these challenges we are speaking of “new anthropological questions”: man, himself, is under discussion. 

5. The good news

In this situation what path should we embark on for the future? I attended the funeral in Rome of John Paul II. I was in the delegation of different nations, in the first row. A sacred atmosphere was created when the coffin arrived in the square. It was placed between the crucifix and the Easter candle: the Pope seemed to have disappeared and what remained was only the crucified and risen Christ. A copy of the gospels was placed on the coffin. The wind continuously turned its pages and then closed it on the side of the Pope’s heart. All of us recognized the challenge to start again from what is essential and which remains. 

The crucified Christ We have to ask for the gift of having eyes to recognize the presence of Jesus Crucified and Forsaken. The Son on the cross enters the tears and the darkness of humanity and takes on himself the pain and darkness to the point of giving his life. The Son met humanity there where it found itself. If Europe has fallen into the temptation of separation from God, the Son has not abandoned this Europe, but has met it precisely in this abyss. On the cross he experienced the abandonment of the Father in order to take on himself the abandonment experienced by European man. Christ has already given his life for our Europe. To have the eyes of the Crucified One means to recognize his “crucified” presence in all the sufferings, the nights, the betrayals that we are living. He is already there. He is inside secularization and relativism and is bringing about a conversion of our way of acting and thinking that will bring its own newness. In an epocal dark night God is not absent, but is present, crucified. 

The Risen Christ We have to ask for the gift of having eyes to recognize the presence of the Risen Jesus. The Risen One has promised to “remain among you to the end of time” (Matthew 28, 20). To have the eyes of the Risen One means then to see his presence and His work in Europe where His Word is proclaimed, where His Eucharist is celebrated, where two or three people unite in His name (Matthew 18, 20), which means to be ready to live that reciprocal charity which is the place of His presence, where there are people who live love and fight for justice, solidarity, peace, forgiveness, reconciliation… The Risen One is the Christian truth. The Risen One is the contents of the truth, beauty and good expected by the human heart. 

The Risen One is the truth, the good, the beautiful; the one looked for and expected by humanity. I was in Rome the day before the funeral of John Paul II and I went to the Vatican to see if I could get in to pray beside his body. I was in front of Saint Ann’s door when a young black girl came up to me and said: “take me to see the Pope!” I smiled and replied: “there are perhaps two million people who would like to see the Pope” and I may not be able to get in. She insisted: “I love the Pope and I want to see him and I can’t stay in the queue any more, you can take me inside!” I was surprised by her naivety and her “faith” in me! I told her and her friend to try to follow me: we managed to get through the security checks of the Swiss guards and into the basilica. Moved, they thanked me. I said to them: “perhaps we will not meet again on this earth, but let’s make a date to meet again in paradise”. They looked at me, surprised and happy and replied: “ok, see you in paradise! You will certainly go to paradise because of the gift you have given us today!” Paradise completes our experience of truth, beauty and good that we already experience on this earth.