En septembre 2016, une des amies me fait part de ses douleurs qui évoluent depuis plusieurs mois et deviennent de plus en plus invalidantes. Son médecin lui a proposé différents traitements sans effet et des examens complémentaires peu probants. Néanmoins, son âge, ses antécédents, l’anamnèse de ses douleurs, les signes d’accompagnements nous donnent une première orientation sur l’étiologie, la raison de ses souffrances.

Connaissant l’homme de la situation, je tente de lui prendre rendez-vous avec ce maître. Je n’ai pas eu de date mais une liste d’examens complémentaires à faire ou à refaire, pour gagner du temps… Les résultats sont adressés et un traitement préalable sera prescrit sur ses conseils pour plusieurs mois. Nous arrivons au printemps au terme de ce traitement, toujours aucun rendez-vous. Les douleurs sont contrôlables grâce à la puissance du dieu d’Asclépios et de la morphine. Mais de nouveaux examens complémentaires sont redemandés, refaits et ré adressés sous format électronique. Mon amie se retrouve donc ainsi contenue dans une clef USB. Et toujours pas de consultation. Normal !… A « i-patiente », médecin virtuel…Pas très branchée, ne comprenant pas très bien le plus de la médecine ambulatoire mon amie, ne faisant confiance qu’aux bonnes vieilles recettes, s’arme de persévérance avec son téléphone en essayant d’éviter la « i-secrétaire » pour obtenir un vrai rendez-vous en « présentiel ». « Rassurez-vous Madame, l’affaire suit son cours». Toujours pas de rendez-vous. Puis un jour au courriel, une convocation pour une hospitalisation pour un geste thérapeutique fait sous anesthésie par un radiologue. Tout cela semble sérieux et cohérent. Nous arrivons enfin dans du concret qui nous rassure, nous retrouvons nos repères. Mon amie pense toucher au but, sortir du purgatoire. A moins d’une semaine du jour tant attendu, pas de rendez-vous pour une consultation d’anesthésie préopératoire. Nouvelle bataille téléphonique pour être reçue par un anesthésiste peu intéressé le lendemain…Mon amie finira par être hospitalisée dans le service de la spécialité concernée et subir le geste technique salvateur à l’heure des condamnés par un radiologue prestataire inconnu. Les résultats sont probants, cette amie va mieux. Elle va pouvoir passer un été plus acceptable que le précédent. Il a fallu quand même réajuster le traitement antalgique trop maigrelet prescrit par l’interne… Protocole oblige mon amie sera vue pour la première fois en consultation par ce spécialiste six mois après le geste du radiologue et plus d’un an après les premiers contacts…

Quelles leçons tirées de cette aventure bien réelle de dématérialisation? Est-ce une préfiguration de la télémédecine ou de la médecine ambulatoire ? Et encore, mon amie semble être protégée par Esculape et Asclépios réunis ! Des dispositifs médicaux connectés ne l’ont pas renvoyée plus loin dans un « cloud » quelconque. Et elle n’a pas rencontré sur sa route un robot chirurgical comme on en voit fleurir tant…Elles savent tout faire ces petites bêtes ! Tout au plus a-t-elle fait un « medical trip » organisé par un « i-medical tour operator » ! En anglais, la pilule est plus dorée, plus facile à avaler. « Ca le fait ! », comme disent les jeunes internes…Science quand tu nous tiens…

Dr Bertrand Galichon
Président CCMF